Dr Jacques Lacan 5 rue de Lille (2)

OMBRE ET LUMIERE...

Dans les salons d’attente du cabinet de Lacan où l’on entrait comme dans un moulin, les ragots allaient bon train. Assis, le plus souvent, j’écoutais et j’avais décidé de prendre de la hauteur en me demandant ce que certains venaient chercher ici.
Bien sûr j’avais entendu parler de ses frasques et autres turpitudes, ses maîtresses et le reste, mais je m’en moquais royalement. Pour moi, il y avait l’homme et l’analyste, et aussi son enseignement.
Ce qui ne m’avait pas empêché de sympathiser avec quelques personnes et j’y appris que les honoraires qu’il pratiquait pouvaient aller de… rien à plusieurs centaines d’euros par séance. Lui seul décidait !
Je savais que le coût du traitement avait un sens certain sur le bon déroulement de la cure, en en payant le prix c’est moi qui m’assumais, car je savais ce que je voulais.
Et la seule chose qui m’importait, c’était cette tranche avec Lacan, le reste…
Loin de moi, l'objet « petit a », la forclusion des noms du Père, les quatre discours, encore moins les nœuds Borroméens!
Une séance où je lui dis que je n'avais rien compris au « mathème », il se leva et me dit « vous croyez que les autres ont compris quelque chose ... ils ne sont que des ânes! »
Tous ces intellos, entassés dans l'amphi, après la cohue pour y entrer, et qui baillaient d'émerveillement en buvant les paroles du Maître... pensaient qu'il suffisait d'enregistrer au magnétophone cette précieuse manne.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, Lacan était plus un homme de paroles que d’écrits…malgré ses « écrits »
Malheureusement pour la plupart, ils ignoraient que l'analyse se vit avec ses tripes et avec le courage d'affronter à deux les fantômes de son passé! (Le revivre différemment, grâce au transfert)
Il savait que j'avais déjà quelques années de divan!
Les rêves, colorés, les cauchemars, les angoisses, les lapsus, les actes manqués, les colères, les fuites de tous genres furent mon lot régulier, mais je trouvais toujours un certain plaisir à le retrouver, lui, invariable, à l'écoute...
Et je pensai au fil rouge, si cher à Freud, et à cette impossibilité de relater cette relation intime analyste-analysant.
Enfin j'avais trouvé un endroit où je pouvais poser mes valises, rassuré, car je sentais et je savais qu’elles étaient en lieu sûr!
Souvent j'avais beaucoup de mal à accepter la scansion de la séance, une frustration, difficilement supportable et je pensais, qu’il se foutait de ma gueule!
N'avais-je pas choisi le chemin le moins fréquenté ?
D'une façon indéfinissable, et par à-coup, je commençais à prendre mes distances avec les personnages de mon enfance, la famille, nid de vipères, et les amis (soi disant), j'avais l'impression forte de me recentrer sur moi même, et de porter un autre regard sans m'en sentir coupable.
En en vidant le contenu affectif de souffrances, pour le réinvestir dans un demain qui chante plus, je réalisais que je pouvais assumer ma différence.
Il me revient en mémoire cette phrase que m'avait dite un didacticien de l'institut « vous savez un analyste vaut plus par ce qu'il est que par ce qu'il dit.. »
Tandis que je m’installais, confortablement dans ce doux ronronnement, protégé en quelque sorte... survint un coup de tonnerre, au détour d'un de mes nombreux silences...
« Vous ne croyez pas que je vais vous garder là encore longtemps.... »
Un vrai électrochoc, oui le divan n'est qu'un passage, la vie, ma vie était ailleurs!
Prise de conscience, effet salutaire, maintenant il me fallait trouver la sortie ce qui provoqua une succession de rêves dont je décoderai souvent seul le sens profond en les soumettant à son jugement.
« Vous feriez un bon analyste » fut sa seule réponse, mais il faut dire que je m'étais plongé dans les livres de Carl Gustave Jung, un immense érudit!
J'avais l'impression de me débarrasser des vieux oripeaux pour enfiler des vêtements neufs, choisis par moi et moi seul et parfois un sentiment de liberté, pardon de libération.
Il est sûr que la cure analytique fait bouger les choses, encore faut il être capable d'aller vers l'inconnu, et l'angoisse légitime que cela génère, encore si habitué à sa névrose.
« Guérir » représente un danger...lui dis je un jour « oui, répondit-il, mais vous au moins vous savez ce que vous voulez » !
Oui il faut y croire de toutes ses forces et de toute son âme, et moi je savais pourquoi j’y croyais.

A suivre

Sigmund

Je maintiens car c'est du déjà écrit que c'est à force de s'entendre sur le divan que l'on sort de la répétition (repérée).
Ce qui fait le bon analyste,c'est la distance qu'il maintient avec son patient ,et qui excède parfois ,jusqu'au jour où c'est le patient qui l'a met cette distance.
La vie,c'est savoir mettre de la distance pour ne pas se faire bouffer!

(Le plus dur,c'est avec les ados cannibales ! )

Vivement la suite, c'est passionnant, Sigmund !

Tu as un vrai talent pour exprimer ce qui se joue dans une cure, avec justesse, finesse, profondeur, authenticité....

Bises

Ben oui (( ))

« Vous savez un analyste vaut plus par ce qu'il est que par ce qu'il dit.. »

V’oui …

Jung, sa oui alors,

Le jour et la nuit avec Freud, c’est juste mon point de vue …par choix de ressemblance (si tenté que !)
amities indéterminée..
Marilaine ++

Oui, moi aussi j'ai un petit faible pour Jung...

Bien vu, Soleille, les ados cannibales

Bises

Je crois que la distance EST...toujours...qu'on en soit conscient ou non !

(même avec les ados cannibals ou non-cannibals)

Je crois au contraire que c'est cette capacité de "rapprochement" dans la neutralité et la bienveillance: capacité partagée à deux et non pas par l'analyste seul qui fait que la "guérison" peut advenir...si on peut parler de guérison quand on va à sa propre rencontre...quand on apprend à se re-connaitre...

C'est une expérience de grande intimité qui justement élimine les "distances" laissant les Inconscients faire "connaissance" si je peux me permettre ce jeu de mots.

Ce n'est qu'une photo...prise sous un certain angle où les ombres et les lumières varient avec la tombée de la nuit et le lever du jour, avec l'air sec de l'hiver ou la chaleur du printemps !

Amicalement, Zoé

P.S. Merci pour ton témoignage Sigmund. Cette volonté d'aller vers l'Inconnu ( soi-même ) est en fait un abandon ressenti comme nécessaire à sa propre survie mais est-il réellement possible de savoir toujours "ce que l'on veut ". En fait, est-ce souhaitable ? En analyse comme dans la vie d'ailleurs !

Bonjour chére Zoé

Bien sûr que je crois que l'on ne sait jamais très bien ou l'on va et c'est mieux comme ça!
Ma réponse est une pirouette/paradoxe:
je voulais aller n'importe ou mais loin, très loin d'une enfance malsaine et difficile, c'était cela le formidable moteur de ma volonté
En quelque sorte je savais surtout ou je ne voulais plus rester!

Amitiés

Sigmund

Sigmund
C’est exactement comme cela que j'ai ressentie ta démarche..
L’inconscient ou (,) qui nous pousse vers des directions qui nous montre une autre réalité de l’existentiel, aidée par les autres.
Car c’est avec les autres d'une façon ou d'une autre que l'on avance, ou (recule) selon ceux que l'on rencontre.Mais par expérience, je dirais que c’est ceux qui sont "négatif"(toute proportion gardée) qui nous font devenir le contraire, car le regard de ceux –ci, ne (nous) donne pas l'envie d'être semblable,
Mais là encore si (nous) sommes en période évolutive.
Si par contre (nous) somme en période régressive, ou négative, c’est l'influence qui résonne, dans le pole (…) de l’autre.
En d’autre terme plus globalement, quelqu’un qui est ‘’ un Etre d’exception’’ peut changer un pays, continent, ou autre, du monde …en entraînent les autres _qu’ils en soient conscient ou non _ !(les autres)_à condition qu’ils ne soient pas déconnecter … ! (C’est toute La différence)
L’idéale (si tenté qu'il existe) _en couple_ c’est que l’un, soit d'évolution de maîtrise de soi, avec quelqu'un qui ne le soit pas forcément, car deux semblable dans le négatif, provoque des frictions qui peuvent être dramatique ; mais là ""soleille’’ va me dire que j'ai déjà formuler cela dans un autre post différemment _ ; et d'autre l'on sûrement aussi formuler avec leur théories, ou" leur ressenties.
Mais les mots plaçaient différemment pour le dire, fait une autre différence, pour la réceptivité (d’un ou des) l’autre (s).selon leur… réception !!!!!!
Amitié indéterminée..
Marielaine.

Mais par expérience, je dirais que c’est ceux qui sont "négatif"(toute proportion gardée) qui nous font devenir le contraire, car le regard de ceux –ci, ne (nous) donne pas l'envie d'être semblable, Marielaine

Bonjour Marielaine,

En ce qui me concerne, c'est exactement le contraire ! Quand je rencontre des "bonnes" personnes, que je suis en contact avec leur bonté, leur sérénité, leur désir d'aimer et d'être aimé, leur passion pour la Vie sous toutes ses formes...cela me confrontre parfois à mes manques bien sûr car nous portons chacun notre fardeau... mais toujours, au-delà de ceux-ci...résonnent en moi le désir d'aller plus loin dans cette expérience qu'offre la vie, de devenir "moi" dans l'amour et la confiance.

Les scéances les plus bouleversantes que j'ai vécues en analyse étaient celles où je recevais cela ! La confrontration peut nous apprendre à nous affirmer, à nous découvrir... mais il y a tellement mieux à vivre !

Néanmoins, j'imagine que l'équilibre se situe dans un juste un milieu où l'on apprend à accepter TOUT ce qui fait partie de la vie, de NOTRE vie ( les personnes qui se retrouvent sur notre chemin ne sont pas là par hasard...enfin, je le crois de moins en moins ! ) la Vie nous offre probablement exactement ce dont nous avons besoin pour apprendre à aimer mieux !

Par ailleurs, ce qu'on juge négatif chez l'autre peut n'être qu'un malaise, souvent un cri, une demande d'amour ! Que nous faut-il donc changer ? Notre propre regard ?

Voilà pourquoi je persiste dans cette aventure d'écoute neutre et bienveillante envers "moi-même"...Si j'apprends la compassion et l'humilité ( dans le sens strict du terme : savoir reconnaitre ce qui EST et l'accepter), je pourrai peut-être éventuellement mieux aimer ? Cela ne veut pas dire que ces expériences d'amour soient faciles, au contraire ! Les ruptures font également partie de l'amour...aller au bout de soi et de l'expérience amoureuse peut aussi vouloir dire refuser certaines manières d'aimer et d'être aimé, reconnaitre notre impuissance et l'impuissance de l'autre à poursuivre une relation par exemple.

L'art de vivre serait l'art d'aimer et lié particulièrement à cet art d'apprendre à mourir...à chaque jour un peu plus ! Mourir à soi, à nos préjugés, à nos désirs, à nos manques pour vivre ce qui EST !

Nous croyons souvent qu'une telle démarche nous conduit nulle part, n'importe où, car nous allons au devant de soi, à notre propre rencontre : "Connais-toi toi-même." disait le bon vieux Socrate ! C'était une autre manière de dire "Le Moi n'est pas maître dans sa maison." Et Einstein lui disait : "Il est plus difficile de désagréger un préjugé qu'un atome." Ceux qu'on entretient envers soi sont probablement les plus sournois !

Amitiés, Zoé

:co
<< ceux-ci...résonnent en moi le désir d'aller plus loin dans cette expérience qu'offre la vie, de devenir "moi" dans l'amour et la confiance.>>En ce qui me concerne, c'est exactement le contraire ! Quand je rencontre des "bonnes" personnes, que je suis en contact avec leur bonté, leur sérénité, leur désir d'aimer et d'être aimé, leur passion pour la Vie sous toutes ses formes...cela me confrontre parfois à mes manques bien sûr car nous portons chacun notre fardeau... mais toujours, au-delà deJe reprends ton paragraphe ci-dessus, ou tu dis :
Bonsoir Zoé

Oui Zoé, si tu relèves une seule phrase, dans le contexte du contenu de mon teste, il est probable en effet que le sens n’ai plus le même : ne retenant que ! Mais si tu fais la fusion du contenu, on rejoint en partie ce que tu formules
à savoir,entre autre , la phrase suivante :
Mais là encore si (nous) sommes en période évolutive.
Si par contre (nous) somme en période régressive, ou négative, c’est l'influence qui résonne, dans le pole (…) de l’autre.
Je ne le mets pas (le contenu) sur un plan personnel, mais général, d’ou la complexité …mais qui résume !
Amitié Zoé, et merci de ton attention.
Marielaine.
lors:

Tu as raison Marielaine et c'est pour cela que j'ajoutais :

Néanmoins, j'imagine que l'équilibre se situe dans un juste un milieu où l'on apprend à accepter TOUT ce qui fait partie de la vie, de NOTRE vie ( les personnes qui se retrouvent sur notre chemin ne sont pas là par hasard...enfin, je le crois de moins en moins ! ) la Vie nous offre probablement exactement ce dont nous avons besoin pour apprendre à aimer mieux !

Effectivement tout est une question de nuances ! Nous sommes d'accord sur ce point !

Bonne journée , Zoé

C'est bien ce que vous écrivez tous les deux, Sigmund et Zoé, vous savez trouver les mots pour rendre votre cheminement , votre ouverture vers les autres, cet autre fût-il un savant , un ami ou un amant, et pas seulement votre écoute attentive de vous-même...
Pour les autres témoignages, ce n'est pas qu'ils soient inférieurs mais je n'ai pas toujours compris les allusions... pas grave!
Merci...